#CHRONIQUE : Comment opérer sa communication de crise en trois phases…
Chronique écrite par Gilles Dumont de l’agence Creatives
Plus qu’un virus biologique, c’est un virus sociétal qui a fleuri ce printemps et s’étend progressivement sur le globe. Le recul appelant la sagesse, l’ermite que je suis devenu sort du bois pour commenter trois phases stratégiques pour la communication en temps de crise.
Je vous rassure, cette chronique vous épargnera les considérations habituelles sur l’impact du #Covid19 sur notre quotidien : on sait que vous en avez assez (lues). De mon côté, j’en ai lues et relues des coronneries sur ce virus ! Alors comme je suis sympa et altruiste, je vous offre un cours de rattrapage avec les best kept secrets dénichés sur la toile. Vous savez, ceux qui font pétiller les neurones assoupies par quatre semaines d’incarcération forcée dans nos prisons dorées.
C’est que cette situation inédite nous donne à penser. Du moins quand elle nous en laisse le temps. Avant cette crise, on ne jurait que par une quête nouvelle de sens pour les marques qui souhaitaient inscrire leur action dans une visée sociétale. Pendant la crise, on a vu que le sens a fait place au bon sens, et pas toujours avec brio ! Alors qu’en sera-t-il après la crise ?
Le confinement n’est pas un pique-nique et l’après-confinement ne sera pas un dîner de gala
Cette punchline est tout droit issue du document Go with the curve (Air, 2020), que je vais vous présenter et commenter de long en large dans cette chronique. Une fine analyse qui encourage un passage sans bévue de marque commerciale à outil sociétal. Il faut dire que les CMO et autres brand strategists n’ont pas l’esprit tranquille en ce moment et doivent faire face à des décisions stratégiques :
D’un côté, faire taire sa marque, c’est participer à une perte de lien social avec son public. Après des premiers temps d’un confinement vécus par les privilégiés comme un “me-time” fait de retrouvailles avec soi et ses proches, surgissent progressivement l’anxiété et une solitude bien réelle malgré une maigre continuité du lien social rendue possible par le digital.
De l’autre côté, faire parler sa marque, c’est risquer d’être taxé de récupération commerciale (j’ai entendu 30’000 fois le mot « backfire » ces 30 derniers jours !). On a vu des marques rebondir sur l’actu pandémique sans fond ni actions réelles pour soutenir leur discours. Parler beaucoup et peu faire: mauvais plan !
Alors comment adopter le bon discours ? Comment choisir la bonne tonalité, dans le bon espace et au bon moment pour éviter retour de flamme et fureur ? Faut-il faire levier de l’altruisme (de ceux qui nous permettent de rester confortablement à la maison) ou de l’égocentrisme (de ceux qui restent à la maison) ? La réponse se situe entre les deux: l’empathie est le meilleur diapason pour un ton juste et audible.
Oublier l’agenda marketing et synchroniser sa communication avec la courbe de l’épidémie
C’est la recommandation de l’agence Air pour la prise de parole des marques: mettre l’agenda commercial, marketing ou publicitaire aux oubliettes et s’aligner à l’agenda médical. Pour ce faire, l’agence a eu l’intuition de croiser les phases de la courbe d’évolution épidémiologique avec la pyramide de Maslow, pour adapter le discours de marque en fonction de l’évolution du virus, mais aussi en fonction des besoins individuels en temps de crise. Le résultat: un cadre global dans lequel inscrire la communication d’une marque pour en bouger les curseurs en connaissance de cause.
La première étape se concentre sur la considération et son lien avec les besoins physiologiques:
La seconde phase s’intéresse à l’adaptation, reliée aux besoins de sécurité et d’appartenance:
Enfin, la dernière phase croise l’inspiration aux besoins d’estime et d’accomplissement:
Nous voilà doté d’une grille puissante pour y voir clair et remettre du sens dans vos actions de communication. Le mot d’ordre: agir juste et parler vrai.
À quoi ressemblera l’après-crise ?
L’histoire a souvent fait rimer pandémies avec bouleversement socio-économiques. Toujours selon l’agence Air, il faut s’attendre à un retour à la « normale » en trois périodes:
- L’hédonisme excessif, nourri par la joie d’avoir survécu, l’impatience de retrouver une vie “normale”… et la découverte de la dureté psychologique, sociale et économique de la reprise à La publicité suivra (ou non) une certaine éthique (marques d’alcool, etc.)
- Le conflit, alimenté de grandes crises sociales, économiques et politiques. Les citoyens vont demander des comptes aux gouvernements et ensuite aux entreprises à La publicité devra (ou non) attendre la fin de cette période moratoire pour exister dans le paysage médiatique
- Le retour à la routine, avec l’acceptation du nouveau cadre social, psychologique et professionnel à La publicité pourra enfin reprendre sa routine … comme avant ?
D’autre part, la crise du coronavirus questionne la société en profondeur, et on verra apparaître des tendances nouvelles:
- Adoption du e-lifestyle: le confinement a fait adopter, y compris par les plus réfractaires: e-commerce, e-collaboration, e-sharing, et même e-drinking ! Le retour au monde offline verra-t-il l’abandon de ces pratiques?
- Questionnement de l’ultra-consumérisme: le capitalisme mondialisé sera certainement à nouveau remis en question après cette crise sanitaire… comme ce (ne) fut (pas) le cas en 2008 où on entendait dire: “Rien ne serait plus jamais comme avant” !
- Bouleversement du monde du travail:les entreprises déstabilisées mettront en place de nouvelles mesures, influencées notamment par la découverte et l’adoption du télétravail.
- L’écologie plus que jamais au centre du débat:la soudaine “dépollution” due au lockdown mondial est un test grandeur nature qui laissera, espérons-le, des traces durables.
Exister demande du courage
Et l’agence Air de conclure: aujourd’hui, chaque marque devrait regarder cette crise comme une opportunité de prouver qu’elle a vraiment du sens et un rôle à jouer dans la vie des gens. Quand l’épidémie sera maîtrisée, nous aurons besoin de marques qui s’inscrivent dans un changement que nous pensons durable; de marques actrices et moteurs de ce changement de paradigme…
Facile à dire (même si c’est joliment dit)! Mais à faire? Toutes les marques ne sont pas légitimes pour parler de tout et en tout moment. Hier encore, on pouvait lire dans tous les brandbooks, qu’on avait affaire à une marque « meaningful ». Aujourd’hui, elles ont enfin l’occasion de jouer un vrai rôle dans la société, et dans la vie de leurs consommateurs. Et c’est eux qui seront là demain, pour juger.